Réginald Boulos, médecin, homme d’affaires puissant qui a susurré à l’oreille de plusieurs chefs d’Etat haïtiens a fait le grand saut en politique avec la présentation du manifeste MTVAYITI, un parti de « centre gauche », à l’hôtel Royal Oasis, mercredi 18 décembre 2019. Président provisoire en attendant le premier congrès de cette formation politique, Réginald Boulos s’est glissé dans la peau d’un tribun, d’un écorché vif, d’un pourfendeur d’un système sanguinaire générant pauvreté, inégalités sociales et discriminations. « C’en est assez ! MTVAyiti entre sur l’échiquier. Cela doit changer. Cela va changer. Nous pouvons le faire, nous savons le faire et nous allons le faire…, travailler pour une Haïti libre, prospère et souverain pour tous les enfants d’Haïti », a lancé Réginald Boulos à plusieurs centaines de militants et de militantes de MTVAyiti qui, selon son manifeste, dit s’inspirer à la fois de Toussaint Louverture, Jean-Jacques Dessalines et Henri Christophe.
Avec MTVAyiti, c’est plus qu’un parti qui est baptisé aujourd’hui, c’est un acte qui est posé vers la fondation d’une autre Haïti, a soutenu Boulos, soulignant qu’il ne faut pas rater l’occasion de ce renouveau. Le pays, a-t-il soutenu, a raté plusieurs occasions avec l’assassinat du fondateur de la patrie, Jean-Jacques Dessalines, le 17 octobre 1806, en 1843, en 1905 avec le procès de la Consolidation dont les principaux condamnés sont devenus président d’Haïti, avec le coup d’État contre le président Dumarsais Estimé, le dernier président progressiste d’Haïti, après la chute la dictature des Duvalier, après le tremblement de terre de 2010. Si nous ne sommes pas vigilants, cela arrivera avec ceux qui ont dilapidé le fonds PetroCaribe, a tancé Réginald Boulos, qui a appelé à un compromis historique pour réaliser la conférence nationale, élaborer une nouvelle Constitution et réaliser les procès des dilapidateurs du fonds PetroCaribe et des massacres dont celui perpétré à La Saline, quartier populeux réputé peuplé de partisans de l’opposition au président Jovenel Moïse.
Sans citer une seule fois le nom du président Jovenel Moïse, le président provisoire du MTVAyiti a assuré qu’il ne cèdera pas aux intimidations. « Nous n’avons pas peur et nous n’aurons jamais peur ; nous ne nous enfuirons pas. Ils ne nous feront pas fuir le pays », a scandé un Réginald Boulos remonté à bloc à un moment où la police judiciaire a tenté sans succès d’exécuter des mandats d’amener décernés contre des Vorbe, gérants de la Sogener, et la veuve du président René Préval dans le cadre d’un différend avec l’État haïtien non encore tranché au tribunal. Le président provisoire de MTVAyiti, qui annonce « une révolution tranquille en Haïti », a surtout prévenu que le peuple haïtien ne perdra pas la bataille face à ce système à renverser, tenu par « des élites sans vergogne et des politiciens qui s’offrent des avantages au dépens du peuple ». En 2020, a soutenu Réginald Boulos, « il faut sortir du mensonge et tout mettre sur la table ».
Comme un clin d’œil aux discussions politiques enclenchées par le président Jovenel Moïse pour monter un nouveau gouvernement, Boulos, dont le parti revendique une autre approche et d’autres calculs politiques, a affirmé que le dialogue doit être sans condition pour tous. Si la stratégie « peyi lòk » n’est pas la solution, il ne faut pas aller dans des négociations de façade, pour imposer une cohabitation sous pression, a indiqué Réginald Boulos en présence des militants et de quelques têtes connues de MTVAyiti dont l’écrivain Gary Victor, le cinéaste Richard Sénécal, le poète Illéus Papillon, le publiciste Edner Jean, le frère de Réginald Boulos, l’ex-sénateur du Nord-Est Rudolph Boulos.
Le MTVAyiti, qui table sur un million de membres en 2021, la mobilisation des femmes, des paysans, de la jeunesse et de la diaspora, n’est pas « le petit parti politique de Boulos. C’est notre parti à tous », a cadré le secrétaire général provisoire de MTVAyiti, Schultz Simpssie Cazir. « MTVAyiti veut faire émerger une autre classe politique », a-t-il assuré, appelant les jeunes, les citoyens et citoyennes intègres à franchir le pas, à s’engager en politique. Pour Gilbert Bonnie, MTVAyiti accorde beaucoup d’importance aux femmes parce qu’il croit dans leur sérieux pour faire avancer les choses. « Rejoignez-nous. Sinon, c’est nous qui irons vers vous », a lancé Gilbert Bonnie à cette assistance composée majoritairement de jeunes qui ont, à la fin de la cérémonie, dansé au son des cuivres et percussion d’une bande. « Canaan, nou vle ale Canaan », ont-ils chanté en compagnie d’un parti qui se présente comme la troisième voie avec le Dr Réginald Boulos, devenu la cible privilégiée d’alliés du pouvoir qui l’accusent des sept péchés capitaux après sa rupture avec le président Jovenel Moïse.
Roberson Alphonse